FABRICATION
D’UNE CORDE EN BOYAU
Les principes exposés
ci-dessous s'inspirent du travail de M. Charles Besnainou
(Laboratoire d'Acoustique Musicale du CNRS). Olivier Féraud a pu bénéficier des séances de formation qu'il donne à ses étudiants chaque année avec autant de générosité que de simplicité. Difficulté :
facile
Fabriquer une corde en boyau est d’une simplicité enfantine, par contre cela demande patience et méthode.
• LE BOYAU :
Le
boyau utilisable ici pour confectionner des cordes est simplement du
boyau à merguez ou à boudin pour les plus grosses
cordes. Il a l’aspect d’une longue cordelette de couleur
blanchâtre, mais il s’agit en réalité d’un
long tube uniforme.
On
se le procure aisément chez tout boucher-charcutier
confectionnant lui-même saucisses et boudins. Il se trouve deux
sortes de boyaux : le boyau de mouton et le boyau de porc, le
second étant d’une épaisseur et d’un diamètre
plus grand, et peut être utilisé pour les cordes de gros
diamètre.
Les
bouchers acceptent la plupart de temps de le vendre à bas prix
ou, mieux, de l’offrir gracieusement.
Le boyau se trouve conditionné dans de la saumure. D’une longueur de plusieurs mètres, il est enroulé autours d’une plaquette de plastique. La
première chose à faire est de laver le boyau à
grande eau jusqu’à ce qu’il ait perdu l’odeur de la
saumure.
Attention : si l’on a plusieurs « bobines », laver uniquement le boyau dont on se sert immédiatement, sans cela les autres se gâteraient rapidement. En règle générale, il se conserve plusieurs jours en saumure. De substance visqueuse, le boyau glisse facilement sous les doigts, mais s’emmêle rapidement en des nœuds inextricables. Il faut donc le manipuler avec grand soin, en le laissant toujours dans l’eau claire, car il sèche également très vite à l’air.
-
Définition :
Une
corde en boyau n’est autre qu’une ou plusieurs sections de boyau
torsadées sur elle(s)-même(s) et séchée(s).
- Diamètre des cordes : Il ne s’agit pas ici de donner les indications exactes relatives au diamètre précis des cordes, mais de donner les moyens d’expérimenter le procédé de fabrication afin de développer soit-même les proportions diamètre/longueur optimale recherchée pour chaque instrument de musique, qu’il est possible d’affiner très précisément au ponçage de la corde séchée laissée sous tension. On
ne parlera donc ici qu’en terme de cordes fines, moyennes et
grosses.
-
Mise en place du dispositif :
- Matériel :
Le
lieu doit être sec et ventilé afin de rendre Le boyau se tend entre deux points a et b .
Selon
l’infrastructure du lieu, fixer solidement sur un plan la perceuse
horizontalement à l’aide des serre-joints. Fixer dans le
mandrin le piton (point a ). A défaut de perceuse, un simple
système de manivelle rendra seulement le travail à
peine plus long.
Au deuxième point d’attache ( c ), nouer un crochet double à chaque extrémité d’une ficelle d’environ 50 cm. A une extrémité seront suspendus les poids ( d ) et à l’autre devra être noué le boyau ( b ). Le point c ne doit pas être un angle mais une forme arrondie (comme par exemple 1/4 de tuyau PVC) car le poids doit être mobile et la ficelle doit pouvoir coulisser lorsque le boyau se rétracte sous l’effet de la tension.
Le dispositif peut être installé sur une table, et de toute manière, pour de faibles diamètres de corde, il est difficile de réaliser une corde d’une longueur supérieur à 2m. Pour
une corde relativement fine (correspondant à peu près
au diamètre d’une corde nylon de Mi d’une guitare
classique), deux sections de boyau de mouton sont nécessaires.
Il a été dit que le boyau, tel qu’on se le procure
chez le boucher, est d’une longueur pouvant atteindre 3m. Il est
donc nécessaire de couper uniquement une longueur
correspondant à un peu plus du double de la longueur de corde
désirée (compte tenu d’une rétractation de 5
à
10 cm due à la torsion). Il s’agit donc de plier cette
section en deux, mais de le faire soigneusement en prenant garde que
le boyau ne traîne pas par terre afin de ne pas le souiller. Pour des diamètres plus importants, doubler davantage le nombre de sections de boyau, et pour de très gros diamètre, il est préférable d’utiliser un boyau plus épais comme le boyau de porc, en sachant que deux sections de boyau de porc donne un diamètre de corde poncée de plus de 2mm. Après quelques expérimentations, on apprend rapidement à anticiper le diamètre final, qui s’affine de toute façon lors du ponçage. Ensuite, nouer une extrémité au crochet de la perceuse (point a ) et l’autre au crochet b, en suspendant dans le même temps, autant que se peut, un poids de 500 gr au crochet d. Le boyau doit se tendre sans toucher quelque surface que ce soit, et la ficelle doit pouvoir coulisser très facilement sur le point c. Il est important que le point b soit fixe, et que la ficelle et le crochet ne soient pas entraînés par la rotation de la corde. Pour cela, il est aisé de placer quelque tige dans le crochet de manière à ce qu’elle vienne buter contre une masse quelconque. Celle-ci sera retirée après séchage et avant ponçage.
- La torsion du boyau : Une fois ce dispositif mis en place, la torsion du boyau sur lui-même se fait en deux temps. Mais avant cela, il faut bien veiller à évacuer du boyau un maximum de l’eau et de l’air contenu dans le tube qu’il est, car cela ferait lors de la torsion des bulles puis les renflements qui rendent la corde irrégulière. Pour cela, il suffit de pincer le boyau entre deux doigts et de coulisser sur la longueur plusieurs fois, d’une extrémité à l’autre. A chaque fois, arrivé à une extrémité, crever si besoin la bulle qui se forme sous la pression et bien vider le contenu. Le reste de l’eau s’évacuera de lui-même sous la pression de la tension, puis par évaporation.
Seulement
maintenant peut commencer la torsion.
La
difficulté est de stopper la torsion avant que ne se produise
le phénomène de surtension qui se manifeste par la
torsion de la corde torsadée sur elle-même. Cela vient
de ce que la tension ne suffit plus à empêcher ce
phénomène, mais suspendre un poids trop important
risque de faire céder le boyau. Ces ondulations de la corde la
rende irrégulière et inutilisable.
On
peut à présent reprendre la torsion en donnant quelques
tours de perceuse, toujours à vitesse lente. Il s’agit cette
fois-ci encore d’arrêter avant la surtension, et d’obtenir
une densité suffisante, qu’il est difficile de paramétrer
ici. Le principe est que plus le boyau sera torsadé, plus la
corde sera d’une matière homogène et résistante.
A l’œil, les stries dues à la torsion doivent être
très serrées et à peine visibles.
Il
faut ensuite laisser sécher la corde plusieurs
heures. Le séchage est suffisant lorsque la matière est
devenue solide. Pour référence, elle doit être
aussi dure qu’une corde de nylon.
-
La finition :
Le boyau sec, la corde ne devra faire que quelque tours sur elle-même, pour retrouver sa torsion naturelle, après qu’on l’a libérée en retirant la tige qui retenait le crochet b. La finition se déroule en deux étapes : le ponçage et l’huilage, le tout en laissant la corde sous tension.
Le
ponçage consiste à débarrasser la corde de ses
irrégularités tout en donnant la possibilité
d’obtenir le diamètre désiré. Il est important
de savoir que le simple ponçage de nettoyage réduit
déjà le diamètre. Il faut donc prévoir
cela si l’on vise un diamètre précis.
Pour poncer, utiliser du papier de verre de grain fin. Prendre une portion de papier, la plier et poncer la corde sur la longueur en prenant soin à la fois de poncer sur toutes les faces de la corde, et de ne pas enlever plus de matière d’un côté que de l’autre. Pour éviter ce dernier point, et aussi pour contrôler la régularité du diamètre sur toute la longueur, il est utile d’utiliser un pied à coulisse. Le boyau se ponçant à la manière du bois, on peut continuer à poncer jusqu’à obtention du diamètre désiré. Attention : si la corde devient trop fine, elle pourrait céder sous la tension des poids ! Autre procédé : il est possible de se procurer chez un vendeur de matériel de pêche un émerillon, qui consiste en un crochet pouvant tourner autour d’un axe. Placé à la place du crochet c, la corde tournera sur elle-même entraînée par la perceuse qui, tournant à plus grande vitesse, permettra un ponçage plus régulier. Il est important de finir le ponçage par un papier de verre à grain très fin afin que la corde ait une surface parfaitement lisse en sans aspérité.
La finition s’achève en passant une huile siccative comme l’huile de lin, à l’aide d’un chiffon imbibé que l’on passe uniformément sur toute la longueur. Sous l’effet de l’huile, le boyau prend une teinte ocre foncé qui diffère selon la nature du boyau et les conditions de séchage. Il
faut laisser sécher la corde huilée encore plusieurs
heures selon le lieu avant de la manipuler. • LA CORDE :
Une fois séchée, la corde doit être détachée du dispositif avec soin, en coupant chaque extrémité. Il faut alors l’enrouler en souplesse en faisant une bobine d’environ 7cm de diamètre. Attention à ne pas briser la corde en faisant des angles.
La corde finie et sèche est utilisable immédiatement, mais il est préférable d’attendre quelques jours. Une corde réussie doit, si on en tend une section en deux mains, osciller en un seul ventre et sans nœud de vibration. A l’œil, l’oscillation doit avoir la forme d’une longue en mince ogive. Pour la question du timbre, l’expérience montre que plus la matière de la corde est dense, plus le timbre est brillant, et inversement, si la densité est moindre, le timbre sera plus mate. L’un n’est pas un défaut par rapport à l’autre, et c’est justement sur ce point que l’on peut travailler et rechercher une sonorité particulière. Il faut savoir que la densité dérive principalement du degré de torsion. Mais brillance et matité dépendent également de la rugosité de la surface de la corde autant que de sa tension sur l’instrument.
Olivier Féraud,
septembre 2006
|