Psalterion est un terme qui désigne, dans la Vulgate, indifféremment les instruments à cordes destinés à jouer les psaumes (psalmos, psalmus). Conscient du fait, les copistes le nomment aussi salterion et sautier. Il constitue, aujourd’hui, une appellation générique pour la famille des cithares sur table, du canon médiéval aux diverses formes de cymbalum, qânûn et tympanon.
Dans le deuxième quart du XIIe siècle, il apparaît dans le contexte iconographique de l’enseignement musical.
Les textes du XIIIe siècle le nomment canon qui signifie la mesure (kanon) en grec, confirmant son usage didactique. Ce terme s’applique plutôt à la forme trapézoïdale, micanon à la version triangulaire.
Bien qu’il soit possible qu’une cithare sur table à 10 cordes, de forme quadrangulaire, étroite et allongée, ait été pratiquée marginalement chez les romains (cf. Christophe Vendries), aucune figuration crédible de cet instrument ne nous est parvenue avant les années 1140 ( première apparition à Chartres, portail royal).
Exception faite de la rote (est-ce un psaltérion ?), on ne trouve depuis le Haut Moyen Age jusqu’à l’érection du portail central de la Basilique de St. Denis compris , aucune figuration organologiquement crédible de psaltérion (ca. 1140).
Les reproductions successives d’illustrations hermétiques issues de la “pseudo lettre de Jérôme à Dardanus” n’autorisent, malgré six siècles de répétitions, à aucune conclusion d’ordre organologique. Opposant le psalterium (dont la caisse de résonance est tournée vers le haut) à la cithara (qui résone par le bas) ces images, comme les commentaires qui les accompagnent n’évoquent que des mythes et des symboles obscurs, y compris pour leurs auteurs. Tout au plus, les schémas qui illustrent ces exégèses sophistiquée du Psaume 150, pourraient-ils représenter le souvenir confus et lointain d’instruments Antiques, parfaitement étrangers aux pratiques musicales de l’époque.
D’autre part, l’hypothèse de l’origine arabe des psaltérions semble aujourd’hui totalement dénuée de fondements documentaires. Nous n’avons recensé à ce jour aucun témoignage de l’existence de cithares sur table dans le monde musulman avant les fresques de la chapelle Palatine de Palerme en Sicile et les enluminures des Cantigas de Sa. Maria, exécutées plus d’un siècle après le Portail de Chartres.
L’arrivée du qanun en Europe via l’Espagne et les croisades est littéralement un contresens répété depuis les traductions trop rapides de textes arabes publiés par Henry George Farmer et le Baron d’Erlanger. Dans ces textes grecs, traduits en arabe à partir du Xème siècle, s’il est bien fait référence au qanun, c’est du monocorde des grecs dont-il est question et non d’une quelconque cithare sur table.
De fait, ce sont les chrétiens qui ont permis la diffusion du psaltérion vers le sud du Bassin Méditerranéen. Dans le monde arabe, seuls les Andalous adopteront les cithares sur table. Ils en agrandiront les dimensions tout en conservant leur préférence pour les cordes de boyau. Mais, l’instrument semble y disparaître assez rapidement et l’on cherche en vain les traces du qanun dans les siècles qui suivent. Le qanun arabe tel que nous le connaissons encore aujourd’hui aurait-il été” réinventé” beaucoup plus tard ?
L’engouement suscité par le psaltérion en Europe à partir du milieu du XIIème siècle suggère la mise au point des cordes métalliques. Arrangées par paires, elles seront d’abord pincées à l’aide de plectres avant d’être frappées à l’aide de bâtonnets, dès les années 1175, comme l’illustre la sculpture de Vermenton.
Ces nouvelles sonorités, limpides et claires jusque dans les suraigües, enrichiront durablement la palette des timbres sonores de l’instrumentarium médiéval.